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ÉCRIRE: DU PROTOTYPE À L’ARCHETYPE.


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ÉCRIRE: DU PROTOTYPE À L’ARCHETYPE.

Il ne saurait y avoir de création sans effort et sans souffrance. Nous savons sans l’ombre d’un doute qu’il n’y a que le labeur obstiné et souvent douloureux qui vienne à bout de l’opiniâtreté des mots. Écrire juste est ardu. On ne saurait montrer les choses plus nettement, plus simplement sans abdiquer devant l’impérialisme de la langue. On en aurait une preuve suffisante à l’examen de premiers jets, de brouillons, de corrections, de palimpsestes. On peut voir les tâtonnements, les cassures, les détours, les sursauts, les oppressions, les essoufflements, les retouches, les reprises pour arriver à la phrase qui satisfait: bariolée, compliquée, convulsive ou nerveuse et rugissante; voire souple, harmonieuse et musicale soient-elles. Écrire avec de la vigueur, avec du nerf ou du relief. Écrire avec ses tripes, sans scrupules. Écrire sans dissonance pour faire savoir sa vision, son aptitude à traduire le monde. Écrire pour donner du plaisir avec des mots concrets et sans rotondités. Écrire avec mots qui ne doivent servir qu’à la pensée: le reste demeure fioritures, relève de la surcharge, de la gaucherie qui tourne à l’absurde. Écrire sans prétention, sans chercher des effets d’art qui fignolent beaucoup plus la forme aux dépens du fond. Nous ne sommes guère ces merveilleux génies dont l’invention coulait de source et dont le style était un mélange de beautés achevées. Nous n’avons pas le don, les gênes, les moments sans défaillances qui nous font maîtres de la langue devant l’Éternel. L’écrivain puise dans sa giberne, il combine ses mots et choisit leur vibration. Il a sur le bout de la langue leur saveur comme leur verdeur. Il les aligne, les fait sonner, leur donne de l’élan, du mouvement, du rythme, de la fluidité, de la clarté. Il peut choisir la sobriété dans une orchestration au total minimaliste. Il peut opter aussi pour la flamboyance et la grandiloquence. Il sait au besoin en fabriquer d’autres sur son clavier et peut se réjouir des néologismes incrustés. Il peut se donner un idéal de style qui lui fera éviter l’ergotisme, le jargon et l’artificiel. Il suera pour ne plus avoir de modèle à suivre car il entend s’exprimer et n’exprimer que son univers sans artifice. C’est la nécessité et non le caprice qui fait le style. Quand son heure sera venue, tant mieux! Le style efficace, c’est celui qui s’individualise conformément à la particularité et au naturel du scripteur qui donne du principe et de la règle à son art. Ne bousculons rien! Laissons croître, laissons mûrir. Du prototype, à l’archétype, le chemin est long pour qu’à la fin il soit balisé.

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