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Lettre aux amis qui ont failli


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LETTRE OUVERTE AUX AMIS QUI ONT FAILLI

A vouloir sermonner des amis qui restent à plus d’un égard encore mêlés à nous-mêmes, nous courons le risque de les embaumer. Or, ce serait trahir notre pensée qui veut simplement interroger le sens magnétique de l’amitié. C’est le but de cette lettre ouverte. L’expérience quotidienne ne nous tient pas quittes. Nous découvrons chaque jour, sur fond d’aigreur, des bonheurs impossibles. Il y eut cette Ode à la Palestine, écrite dans l’urgence à deux mains, à la façon de la matière qui risque de changer brusquement d’état; une partition qui ne se déchiffre qu’à la plus grande clarté de soi-même. Le poids du témoignage laissait s’épanouir quelque chose d’estimable. Et tout à coup, un silence inexplicable nous accompagna aussi bien dans la presse (écrite et orale) que dans les réseaux sociaux. Ce silence nous a peiné, car nous l’entendions comme un pas en arrière. Nos amis qui pouvaient relayer l’info auraient certainement souhaité une ode qui n’aurait presque pas de sujet. Qui sait lire devine aisément notre état d’âme. Bien sûr ceci ne doit pas nous faire oublier l’accompagnement sensible d’autres amitiés, marocaines et tunisiennes (elles se reconnaîtront) qui nous ont confié, à mi-voix une secrète complicité née de tout ce qu’une âme généreuse peut livrer en termes de valeur. L’amitié qui appelle joies et candeurs est notre pain quotidien. Elle fraye avec tout ce qu’elle a d’intime et c’est merveille. Nous entendons que ce bonheur en soit préservé et que par delà la corbeille du linge sale notre fidélité demeure et qu’on oublie tout ce qui a d’abscons en elle. Nous allons à la rencontre de nos amis les bras prêts à s’étendre. Le salaire de cette cause qu’on plaide, réside dans la vive affection. Qu’importe si certains du nombre nous guettent sans nous comprendre! Comme il arrive souvent, les amitiés qui font fortune sont celles qui sont les plus mal définies. Mais quand les actes sont tissés de perfidie, de bassesses, nous ne pouvons laisser choir. La réaction qui suit n’a la prétention ni de poser le problème dans son entier ni encore moins de le résoudre; elle présente seulement quelques réflexions destinées à situer dans une perspective critique certains positionnements, en les dégageant, autant que faire se peut de l’actualité qui ne manque pas de les obscurcir. N’est-il pas curieux de penser que c’est quelquefois dans l’insolite des rapports que l’on peut découvrir les attitudes qui oppressent, et par ricochet la grâce qui leur répond spontanément. Nous n’avons pas la sérénité d’esquisser un bilan des faux pas. La liste est fort longue qui souligne notre déception. Trop triste de la révéler. Nous ne nourrissons aucun ressentiment contre ce malaise. L’époque est si intoxiquée de calculs qu'il ne faut pas en rajouter. Mais le constat n’en demeure pas amer. Le caprice, s’il en est un, s’insère dans des mécanismes que nous abhorrons. A cela, le plus souvent, nous ne proposons rien d’autre qu’un rictus et un humour qui très vite se mêle au tragique de la situation. Cela nous permet de revenir à l’ombilic par qui tout tient ensemble: l’amitié. Voilà le mot lâché: une amitié est-elle possible, à quelque âge et dans quelque coin du monde que ce soit? Hélas, nous peinons à retenir les visages qui expriment une communauté d’esprit; des visages qui ont l’authenticité de leur race, de leur langage, qui se passent des contorsions douloureuses, de la mécanique des parenthèses, des mises en guillemets, de la farcissure des tics assommants. Comment ne pas éprouver du dépit et de la tristesse devant toutes ces humeurs ? Ce commerce n’est ni naturel, ni fabuleux. Parfois la trame de l’amitié ne doit sa consistance, si l’on peut dire, qu’à un tout petit mot sincère; parfois aussi, le souvenir d’un simple geste qui nous rattache à notre simple petite existence. Nous savons qu’il n’est de cieux que fertiles de pureté pour les compagnons privilégiés que nous avons choisis. Et ces admirables surent être présents dans nos illustres compagnes. Nous écrivons sur du linge blanc. Nos mots aux couleurs de l’arc-en-ciel sont trempés dans l’encre même de virginales vérités. Elles n’y dégagent cependant jamais le souffle nihiliste et désespéré qui plus est, nous le rappellent avec élégance. Cette entreprise nous enthousiasme et nous enivre en toute lucidité. L’édifice à bâtir n’en sera que plus beau si tous les amis mettent du leur au lieu de nous apporter des riens de connivence. Nous avons cherché en vain dans le grenier de nos inutiles vieilleries un mot, un souvenir, un acte  qui auraient valeur de symbole au regard de l’intemporel où nous gardons momifiés quelques spectres barbares dans leur désolante nudité. Rien qui puisse occuper les vivants, dirons-nous. Parfois, sous leurs masques, d’aucuns portent des promesses qu’ils abandonnent au moindre achoppement. Ce qui importe semble-t-il, c’est de savoir sur qui nous pouvons compter, ainsi faire place à une assurance que rien ne saurait troubler. Si tel est le cas au regard de cette certitude solaire, jamais rien ne serait perdu. Nous ne voulons pas d’amitiés qu’il faut à chaque fois rafistoler d’étais, de brélages. On mesure la force et l’intelligence qu’il faut pour en conserver certaines, la générosité et l’altruisme pour les garder! Nous souhaitons avoir des amis qui ont le courage de penser jusqu’à l’impudeur. Aujourd’hui cette amitié est fustigée à qui mieux mieux, avec force points d’interrogation, tant les épreuves sont évocatrices. Nos adversaires sont les philistins, les conformistes, les hypocrites…Il faut surtout dire que ce fatras révèle des manquements sans bornes, des relents qui ne méritent pas de leur consacrer le peu d’encre tiré à même la lie. Pour en conclure, il n’est pas indispensable, à notre sens, pour admettre quel en devrait être le but ou le rôle de l’amitié. L’amitié c’est quand chacun découvre dans l’autre le disciple ardent. Nous gageons que celle à venir et quoique déjà là sera de transport et nous élever jusqu’aux sommets où les humaines amertumes fondent sous le poids des règnes d’intelligence parfumées. Réponse à certaines réactions à propos de notre lettre ouverte aux amis qui ont failli. L’amitié ne tire pas un certain privilège de la distinction de ce qui dépend de nous et de ce qui n’en dépend point: au contraire, tout y dépend de nous, et ce poids est sur nos épaules. Toutes les manières de choisir tel ou telle, d’être et de se comporter manifestent également la qualité de cette amitié, sans quoi ce choix fondamental n’aurait plus de sens. Ceci est notre souci. Nous avouons, que sur le plan même du jugement, cette amitié ne nous a jamais fait défaut. Mais certains travers nous avertissent et nous placent dans la condition de se détacher, de nous délier des liens, soit en l’oubliant, soit en la négligeant en la déclarant sans importance, soit même en la jugeant telle qu’elle est en vérité.

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