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L'Homo Arabicus


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L’homo Arabicus demeure plongé dans un sommeil cataleptique. Son drame, il le porte comme une tare originelle qui lui colle à la peau

Il va claudiquant, avec sa preuve à lui, selon la loi de son rang, encombré de valeurs désuètes, pourrissant chaque jour ses assises. Il a perdu la conscience aigüe qu’il avait de ses racines. Comment le rendre à lui-même, le redresser dans sa stature d’adulte qu’il était, lui dans la tête fleurissait des hauts faits de son histoire ? Débouté de tout cela, il vit une période des plus sombres, incapable de raviver son esprit desséché. Le vent saisonnier de la nostalgie qui l’effleure lui est âcre et incendiaire. Il voudrait bien laver la souillure orientale dont les siècles l’ont barbouillée, mais il ne fait que se remettre encore des couches et des couches, gorgées de particules hétérogènes. S’il lève la tête pour tout secouer, il ne le fait qu’à travers une rhétorique qui n’effleure que le vernis des choses. Perpétuel absent du concert des nations, il sait que sa partition est aphone. Il se morfond, et ne se remettra peut-être jamais de cette hantise qui l’étouffe. Le bris des chaînes le hante sous un ciel que lui- même a altéré.
Porté au scrupule, l’homo arabicus n’est pas né pour éblouir, mais pour vivre dans la torpeur de son orgueil, dans la distance abstraite de sa pudeur usurpée. Le voilà tel qu’il est, vivant virtuellement, décourageant toute ferveur et refusant de prendre appui sur ce qui peut l’enrichir. Noué dans sa conscience, il rêve de changer l’adversaire en partenaire. Il sait qu’il passera sa vie à déambuler dans les artères de l’histoire avec une feinte innocence. Il lui faudra bien un jour se dégager du magma de l’immobilité qui enserre le cœur, les sens et la raison. Il est comme frappé d’inter- dit, privé de ses prestiges. Sa défiance instinctive à l’égard de la politique est avérée. Et si d’aventure il lui arrive de se pencher sur le monde, c’est pour en dire les horreurs, et jamais les exaltations. Et il le fait avec indigence et improvisation. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions à ce sujet. Pourtant, il aimerait bien faire bouger les lignes, affirmer sa vision des choses, mais il se cogne aux rotondités des événements et peine à décrypter les signaux. Pourtant, il n’a ni rage ni crainte, dans la mesure où celles-ci ne sont limitées par rien qui ne soit détail de son destin. De sa passivité substantielle, il en a fait une religion. Naturellement, nous n’avons que peu de choses à lui reprocher partant du fait que la vie pour lui ne se résume qu’à un simple terrain vague. Il a de l’amertume, et un profond sentiment de l’isolement. Il irrite car souvent injuste et désinvolte. Ces remarques faites, gardons-nous des jugements hâtifs ! Ce serait même une erreur que de le borner à une neurasthénie héréditaire. La seule adhésion qu’il tolère, c’est celle qu’il s’octroie, dans un silence qui l’apaise. Cherchera- t-il à lui trouver des réponses, nous en doutons. Or il suffit parfois d’une petite voix sûre d’elle, et ça remet tout en branle. Il pourrait même être une manifestation utile, une révélation s’il n’y avait sur lui une chape de plomb qui le conduit au bord du bégaiement. Aujourd’hui la confusion est telle qu’elle concerne la crise de vérité. Et il nous plaît de constater que l’homo arabicus s’est laissé gagner par son vertige. La faiblesse des institutions et les apparences l’y aidant. Convenons que le monde au- tour de lui n’est saisissable que dans la mesure où il reste perceptible, pal- pable et tangible. C’est là qu’il faudra secouer cette âme obscure sans la mépriser, car elle est victime de l’avilissement de la société. S’il s’en inquiète d’une part, il attend d’autre part la pulsation ultime de la délivrance. Et cette attente n’aura de cesse pour lui. Jamais il ne s’en départira. Réservons une place au balcon pour ce corps négatif qui se maintient dans un monde d’illusions, car le spectacle est infini. Surtout, ne perdons pas de vue son cas en le considérant comme isolé, somme toute restreint. Il peut hélas concerner une échelle plus large courant le danger de la banalisation et de la normalisation.

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