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À quand l'achèvement de l'être?


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Il y a longtemps que la pensée obscure a posé les scellés sur nos valeurs fondamentales. La laideur nous poursuit comme une ombre. Elle nous fait payer de lourds tribus. Nous sommes à jamais marqués par une nébuleuse qui nous porte aux actes les plus horribles, les plus imprévisibles, les plus incompréhensibles. Mais nous ne pouvons nous obstiner à être solidaires du mal destructif. On s’accorde pour nous trouver inaptes à vivre dans une société sereine, responsable; inaptes à communier, à s’acoquiner avec l’autre, quel que soit sa langue, sa culture ou sa religion.

L’empathie n’est plus de ce monde. On fait fi de l’idéal de la fraternité. Nul n’ignore qu’on a bataillé fort pour faire un pas, puis un autre, salvateur qui plus est. Voilà que l’obscurantisme élève avec force sa triste bannière, nous rattrapant, nous envahissant d’un seul tenant. Nous payons le salaire de quelques irresponsables, élevés dans une croyance que la ratio affaiblit ou abolie. La mal-vie les porte et un virus d’un autre âge les habite. Lentement, ils creusent un fossé où le sentiment de la pensée unique s’inscrit en lettres de sang. Il n’y a qu’une manière glaciale pour parler de cette escalade, la pensée monolithique qui tire son drame de la haine de l’autre jusqu’à l’occire. Un abîme sépare ces nervis d’autrui. Un grand danger soucieux de revendications religieuses et idéologiques menace l’esprit libre. L’instinct naturel de la foi déserte devant le drame de la représentation. Dans la violence que certains se font, il y a quelque chose d’irrémédiable. A l’angoisse de vivre, s’y ajoute l’angoisse de mourir la tête étêtée. Voilà le tragique! Chacun fait ses comptes et son attitude prend l’allure d’un choix inaliénable. Face à la bouffonnerie de la présomption occidentale rongée par l’ethnocentrisme, il y a quelque banalité à parler de « la liberté d’expression » sans cesse jetée à la figure. Son aspect sélectif a l’air stupide quand on l’interroge. Cela dit, aucune critique ne vaut l’anathème. Face à l’imposture, jouons les précautions infinies. Nous savons que notre façon d’être et de vivre, aussi relative qu’elle soit, est souvent remise en cause. Si critique il y a, celle-ci doit initier au changement de mentalité de part et d’autre. On peut y arriver sans pour autant perdre sa propre authenticité. Nous vivons désormais dans une ère de religions, de croyances soupçonneuses, de cultures rivales, une ère infernale d’aveuglement et de tromperies. On nous sert sans réserve et à tour de bras les discours pathétiques forts de leur dénégation.
Les hypothèses et les spéculations occupent le terrain. Les ventriloques les reprennent se plaisant dans ce leurre. Ils vivent leur « ascèse » dans un monde intemporel au-delà duquel rien n’existerait. Ils réduisent leur univers à une « lubie » qu’ils veulent détenir comme un droit exclusif. Cette tendance à supprimer l’effort de compréhension, on l’observe dans la soif d’en découdre. Il est sans conteste une tendance mortifère qui obscurcit les sentiments humains dont il ne reste que de la cendre sur des sillons lugubres.
A chaque attaque on s’attend au pire. A chaque épreuve, nous dressons l’échine et nous repartons pour reconstruire ce qui a été défait. Non, l’humanisme n’a pas pris une ride. On veut nous faire croire que c’est une abjuration. Il est certain que nous avons sans le vouloir, cultivé le désespoir. Notre dilemme est celui qui nous déchire entre une pensée qui nous rend à nous-mêmes et une autre qui nous commande de nous mettre, au nom je ne sais quelle vérité, dans le lit d’un torrent qui nous entraîne vers une probable chute dans les ténèbres. Notre salut, nous ne le devons qu’à nous-mêmes, au recours à des principes absolus. Sans doute, il y a dans cette folie meurtrière, ceci à retenir: elle montre jusqu’où l’homme peut déchoir et s’animaliser. Riches de notre maturité, nous ne serons jamais les semblables de cet hydre. Nous ne mettons pas en doute le caractère sacré de notre civilisation que certains veulent édifier sur un socle d’intolérance. Il ne suffit pas ici, pour croire, de se fondre dans le sectarisme, de se mouler dans le confort des doctes. Nous n’aurons pas d’autre alternative que de défendre pied à pied un monde humain, respectueux et juste. Nous continuerons à croire à une rédemption morale. Nous refuserons d’admettre que nous sommes démunis face à cette gangrène qui grippe le rythme du mouvement cosmique.
Aujourd’hui la foi a cessé d’être un mythe. Si celle-ci demande encore des martyrs, elle ne sacrifie que ceux et celles qui sont fermés à la grâce dans un monde qui du reste ne leur réserve aucun accueil de bonté. Et partant où ils savent qu’ils ne peuvent se révéler autrement. Ils se tiennent au bord d’un énorme cratère assénant leur implacable « vérité » qui sème la douleur et l’indignité. L’émancipation de l’âme repose sur une relation au monde et à autrui pénétrée de sagesse. Le temps hélas ne moissonne plus les hommes vertueux. On assiste au triomphe des incultes et des imbéciles. Seule la connaissance amènera à l’abdication de la souillure sur laquelle on fait intervenir une sorte de passé immémorial qu’on traîne dans le radeau de l’épouvante et de la mort. Que cherchent ces satrapes qui se dressent comme le symbole de la vengeance des humiliés? Tout leur est bon dans leur acharnement, méprisant allègrement tous ceux qui menacent leur croyance. Ils détestent l’humanité qui s’interroge. Ils tuent par appétit du martyr.
Dans cette veillée d’armes, ne faudrait-il pas arracher le « chrétien » et le « musulman » au « religieux », mesurer l’abîme, sans vision passéiste et nostalgique, car les incendiaires se dressent comme le symbole de la vengeance des humiliés. Sans conteste, le fanatisme est le mal haïssable. La tolérance est l’ancre de notre âme. Et c’est en profondeur qu’il va falloir la planter comme on planterait la bonne graine. Quelle est la vérité de ce monde? Elle n’est pas dans cette folie, mais dans les actes et les rapports qu’on peut mesurer et à force, les rendre concrets. Nous avons malheureusement perdu le contact avec cette vérité suprême. A quand l’achèvement possible de l’être?

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