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Gérard Genette


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Gérard Genette

L’année de maîtrise, je découvrais en même temps la sociocritique avec Claude Duchet et la textanalyse (la critique psychanalytique des textes littéraires) avec Jean Bellemin-Noël qui avait choisi pour la démonstration,  « Sur l’eau » de Maupassant. Chaque étudiant devait présenter un travail pour valider la matière. J’avais misé sur un poème d’Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, avec l’idée d’impressionner mon professeur,  sans savoir que ce dernier avait consacré à ce poète sa thèse de doctorat. Bien mal m’en avait pris. Je me souviens qu’il m’avait gentiment invité de choisir plutôt un récit ou un conte, considérant que je n’avais pas encore l’outillage pour une telle investigation. Sur cela, j’avoue qu’il avait amplement raison. Du coup, j’optai pour un conte des Mille et une nuits. Pour plus d’informations, je m’étais tourné vers Joseph Courtès (mon prof de sémantique) qui m’avait orienté vers Claude Brémond, titulaire d’une chaire de sémiologie. Ce dernier m’avait reçu rue M. Le Prince, dans son bureau, qui était plutôt un cloître, une grande salle horriblement froide avec peu de lumière. La chaleur du bonhomme suffisait pour vous mettre à l’aise. Des documents et des livres partout, du sol au toit, dégageant une odeur de moisi que seul les narines du maître des céans pouvaient tolérer. Il me conseilla en partant quelques lectures, entre autres, Vladir Propp. Il me proposa de rejoindre son séminaire, voué aux variantes de contes. L’idée me séduisait, mais je ne pensais qu’à mon travail pour valider une misérable unité de valeur. Voilà que la date limite des dépôts des dossiers d’inscription pour le DEA se posât. J’étais un peu perdu, le choix n’était pas  simple. Deux départements m’intéressaient : la philo ou la littérature. Il fallait rapidement pondre un projet et trouver un directeur de recherches. Le sujet je l’avais; il trottait dans ma tête depuis déjà quelque temps. Restait à trouver quelqu’un pour le diriger. Dans le département « Lettres », j’hésitais entre Jacques Neefs, l’obsédé de Flaubert et Marie-Claire Ropars qui était en plein dans la légèreté phosphorescente des liens entre le cinéma et la littérature, et ce n’était pas ma tasse de thé. Puis je m’étais dit, pourquoi pas Michel Deguy ou Henri Meshonnic. Pour Deguy avec lequel j’avais quelques affinités, c’était trop tard, il avait atteint son quota. Restait Meshonnic qui était obsédé par Wilheim von Humbolt. Le maître du maître m’était inconnu, et je ne voulais être soumis ni à l’un ni à l’autre.
Lors d’une soutenance de thèse sur Nathalie Sarraute, j’avais abordé après les délibérations et d’une manière cavalière Roland Barthes. Il m’avait écouté, cigarette au bec, me conseilla pour le sujet que je lui avais déroulé à la va vite, Gérard Genette. Il s’était même proposé de lui glisser à un petit mot. Genette était directeur des études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Je  ne connaissais pas l’homme mais je connaissais un peu ses travaux. J’avais déposé la semaine qui suivit mon projet au secrétariat, sans vraiment y croire. La réponse tomba au bout d’une petite quinzaine. Il m’avait reçu, souligna toutes les questions profondes que mon sujet suscitait avant d’engager le processus. Il parla peu, et tout ce qu’il avait dit était mesuré. C’était un homme assez curieux des êtres et des choses, courtois, aimable et efficace. Je ne manquais pas de force et je croyais que la chance à laquelle je devais tant d’émerveillements ne puisse pas me combler? J’ai donc pris mon élan avant de le prendre en charge.

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