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Les fables du doute et de la certitude


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Des fables qui dégèlent les yeux

.Après nous avoir donné L’Autre côté de soi, un roman qui explore les arcanes de la mémoire, Noureddine Bousfiha récidive avec un recueil de poèmes aux éditions Orion dans lequel le poète réfléchit sur le revers d’un miroir qui révèle des aspirations humaines, dévoilant les fondements d’une poétique de profonde densité. Les Fables du doute et de la certitude réunissent l’essentiel dans un entre-deux fait de silence et de parole.
Impossible de deviner en lisant ces fables ballotées entre le doute et la certitude, quel a été le but de l’auteur. La pratique de Noureddine Bousfiha le place naturellement au-dessus de toute supputation. Rien de superficiel dans cette œuvre postfacée par un autre poète et non des moindres, Mohammed Khaïr-Eddine qui en donne le la en des mots justes et ardents. Nulle trace dans ce recueil de voix obstinée, nulle rudesse : le lyrisme pur, autrement dit, l’harmonie parfaite. Une œuvre, en somme faite de vibrations palpitantes ; une œuvre comme la vie. Et tant mieux pour qui sait lire entre les lignes. Les courants qui la parcourent, les tendances qui l’alimentent sont multiples et variées. Elle ne fait au lecteur ni révérence ni gentillesse. Il faut venir à elle et en faire le tour. Elle est si bien ordonnée ; si bien dépouillée d’emphase sans être minimaliste. Il faut être bien attentif pour comprendre tout le mérite. Même le lecteur le plus inattentif saura trouver dans ces instants de vie, quoi le transporter avant de l’absorber. Qu’importe si la poésie n’appelle qu’un petit nombre ! Le plaisir, la beauté y sont donnés dans une osmose nécessaire ; comparable à toutes celles publiées, une œuvre qui est écrite dans la patience et qui a quelque chose d’elle-même à dire, à partager. Le grand bienfait, c’est de lire sans règle bien établie. Je crois même qu’on risquerait de se tromper en voulant à tout prix la limiter à sa seule signifiance. C’est à l’encontre de cette lecture qu’on peut tirer un avantage poétique. Il y a dans la magie de ces vers quelque chose qui s’élève et qui se révèle : on passe de la solitude à la multitude. Malgré le doute qui la transcende, cette poésie est d’abord acquiescement à l’univers, hommage à la plénitude des choses convoquées.
Dans ce dernier recueil, l’ordonnance est rigoureuse : toutes les pièces s’en organisent en un ensemble : elles s’imbriquent dans une langue savamment inventée, si parfaitement maîtrisée. Et cela n’exclut ni l’émotion ni la sensibilité. Nulle crainte de lâcher la corde et de plonger dans des projections incertaines. Voici quelques strophes où le poète semble, mieux que partout ailleurs, nous confier le secret de son inspiration profonde :
« Qu’importe si le large nous porte dans sa ronde
couvrant de son froid velours l’immense remous
Qu’importe si dans son long sillage
les grandes nacelles cèdent au ressac des eaux
Ici nous rôdons comme effluve délétère
hagards dans les rets de l’écume et des flots
peinant comme peine le pionnier
à trouver dans de vieux portulans
terre nouvelle pour sa lignée » (p.41)
L’un des traits les plus singuliers de cette poésie, c’est l’innocence avec laquelle elle aborde ses sujets. Sans doute, ce qui captive, c’est cette grâce mystérieuse et je ne serais point seul à mesurer le subtile et parfait émerveillement qui hésite entre doute et certitude, jusqu’à cette velléitaire lisière où l’âme se dénude. Les Fables du doute et de la certitude nous montrent un poète en possession de maintes qualités qui font que nous avons en retour des textes d’une saisissante justesse de ton.
K. Ziadi Noureddine Bousfiha, Les Fables du doute et de la certitude, Postface de Mohammed Khaïr-Eddine, Casablanca, Orion Éditions, 2021, 114 p.
Article publié in BM Magazine n°81. 2021, p.15

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