Lettre ouverte à l’attention de Monsieur Mohammed Mehdi Bensaïd, Ministre de la jeunesse, de la cu
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Monsieur le Ministre,
Nous nous permettons de vous adresser cette lettre entant qu’écrivain engagé dans la vie littéraire de notre pays et conscient de nos responsabilités citoyennes et culturelles. Cette démarche n’engage strictement que notre personne, mais elle exprime une réalité vécue à plusieurs reprises. Nous constatons avec regret une différence de traitement flagrante entre les auteurs nationaux et ceux invités de l’étranger. Il nous est donné de constater que ces mêmes événements sont vécus différemment par les uns et les autres.
Il est à noter que ceux qui viennent de l’étranger bénéficient d’un tout autre traitement, à juste titre d’ailleurs : billets d’avion pris en charge, hébergement en hôtels de standing, per diem payés en place et lieu, honoraires clairement définis. Ce décalage de traitement qui tend à devenir la normalité, nous interroge profondément. Nous ne pouvons que qualifier ce traitement d’injuste et discriminatoire. Nous tenons à préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’une critique à l’égard des invités internationaux, dont la présence enrichit indéniablement nos échanges. Ce que nous questionnons ici, c’est le déséquilibre systémique qui place ainsi les écrivains qui résident au Maroc dans une position marginale, presque invisible, dans leur propre espace culturel. Sont-ils, en tant qu’écrivains de ce pays, condamnés à l’invisibilité ou à la gratuité sous prétexte qu’ils sont “chez eux” ? Leur présence ne mérite-t-elle pas la même reconnaissance, le même respect, les mêmes conditions de dignité que celles accordées à leurs homologues internationaux ?
Il ne s’agit nullement ici de contester la légitimité ou l’honneur d’inviter des auteurs venus d’ailleurs — la littérature est un échange, un dialogue ouvert sur le monde. Mais cet échange doit être équitable. Il ne peut se faire au détriment de ceux qui portent la langue, la mémoire et les luttes de ce pays depuis l’intérieur, souvent dans un silence institutionnel assourdissant. Il ne peut y avoir de politique littéraire juste si ceux qui font vivre la création sur le plan national sont relégués au second plan, comme s’ils ne méritaient ni reconnaissance symbolique ni considération matérielle. Être du pays ne devrait pas être une raison pour être traité avec moins d’égards, au contraire.
Nous formulons dans la démarche suivante une demande de mesures claires et équitables et qu’elles soient prises pour garantir :
• Le remboursement systématique des frais de déplacement pour les auteurs nationaux invités à intervenir dans des manifestations culturelles publiques.
• Une prise en charge décente de l’hébergement (au moins deux nuitées pour celles et ceux qui viennent de loin).
• La rémunération des prestations intellectuelles (conférences, modérations, participations aux tables rondes, etc.) selon des barèmes définis, justes et transparents.
• La mise en place d’une charte nationale pour le respect du statut des auteurs dans les manifestations soutenues par les pouvoirs publics.
Cette lettre n’a ni la prétention d’être une pétition, ni celle de parler au nom d’un collectif. Mais elle se veut un appel sincère, depuis l’intérieur, pour que soit repensé le lien entre les institutions culturelles et les créateurs nationaux. Nous ne demandons pas des privilèges, mais la reconnaissance pleine et entière de notre statut de créateurs, de notre rôle dans le tissu intellectuel, culturel et symbolique de notre pays.
Dans l’espoir que vous saurez entendre cette voix singulière, et qu’elle contribuera, modestement à une réflexions plus large, nous formulons le voeu que vous saurez oeuvrer à une politique culturelle fondée sur la justice et la considération. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Noureddine Bousfiha.