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Les poètes qui brûlent dans l'ombre


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Les poètes qui brûlent dans l’ombre marchent seuls sur les cendres du monde, au creux d’un vieil exil fait de travées et de trahison, murmurent des oracles à la nuit profonde. Dépités de goûter dans chaque étoile le fiel, ils écrivent leurs peines souvent dans une fébrile impatience. Leur encre est couleur de l’infini, leurs verbes sont en sang, leurs mots sont des lames assoiffées de sacrifices. Au coeur profond des forêts hors du chaos sacral, ils font danser les gouffres et les fléaux, ivres de spleen, d’absinthe, de lumière qui fait briller les cyclamens. Sans sommeil, ils restent assoiffés d’absolu. Et ni la gloire ni l’offrande ne sauraient les apaiser. Écorchés vivants, ils errent amers et prophétiques si bien que le siècle les range au rang des solitaires. Leurs pas mesurés déchirent l’horizon qui habite les airs. Leurs âmes sont des cris qui montent et s’élèvent comme une souffrance que traînent les vents mauvais : feux mal allumés que l’aube achève d’éteindre entre leurs doigts d’or. Ils vivent là où fuse la lumière qui éclaire les aurores désolées. Fils de la brume et de l’ombre première, chairs exilées dans un monde hérétiquement fêlé, ils ne parlent que d’abîmes, de fièvres, de rêves détruits, de fleurs poussant au fond des cimetières, et chaque mot qu’ils posent sur leurs lèvres a la douceur cruelle d’un cimeterre. Ils sont les mages d’un royaume de lamentations où les anges déchus s’esclaffent ivres de déraisons. Leur vie est vent délétère, vertige et funérailles. Les morts sont hôtes en toutes saisons. Ô poètes de tous les bords! Vous qui brillez au passage de l’éphémère feu du ciel qui ne vous a jamais pardonnés, vos voix tombées comme des sentences fleurissent dans les âmes condamnées. Ô frères debout sur la rive abrupte! Votre douleur éclaire encore le monde d’un feu secret et d’un chant marginal. Qu’importe le cri terrible des trompettes qui sommeille, redoutable et pitoyablement, aux frontières de l’oubli! Peut-être resurgira-t-il sous un autre nom, pour se répandre à nouveau comme un feu de l’esprit, beauté maudite, clarté souveraine. Ô vous frères perdus, génies aux fronts brûlés! Vous placez votre espoir le plus élevé, le plus immense dans la communion considérée comme expérience privilégiée, dans la poésie qui vous apparaît comme une prédestination singulière. Si vous n’êtes pas détenteurs de la plus sûre vérité, vous en indiquez la voie. C’est à cette hauteur que vous assumez le sens de l’humain, du spirituel qui est votre apanage sacré. L’avenir vous rendra vos titres étoilés car les dieux qu’on insulte et qu’on chasse sont ceux-là même qui éclairent les lents sentiers qui mènent vers le port suprême.

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