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Il faut bien que vieillesse nous pardonne.


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Il faut bien que vieillesse nous pardonne. Au vif azur et à nous-mêmes rivés, faut-il de nos ardeurs nous souvenir? La vie servie dans une coupe de jade n’occupe point l’esprit. Pour celle où le tumulte règne, nous engageons des efforts de cristal afin de nous ouvrir béant l’abîme de son énigme. L’ère du masque ne peut voiler le feu dans l’oeil, épuiser le souffle et la pensée. Mais à la faveur de ses armes, l’écume du temps grisant draine jusqu'à nous ses brisants. D’un seul vocable insensé, l’infamie écache nos êtres avant de nous faire perdre boussole et sextant. Autrefois paladins heureux, batteurs endurcis de pavés, nous nous retrouvons à la faveur d’une réprobation hors de nos racines, étrangers à nous-mêmes, sourds aux effets de maints reculs et de tout ce qui croît sur nos excoriations. Broyés par la force qui préside aux mouvements des sphères, nos désirs les plus affolants sonnent à heures perdues dans les viscères d’un monde dont nous n’aurions jamais dû entrer. On ne peut s’attacher à la vie et refuser à s’en écarter d’un seul trait. Chasseurs ou gibiers, la proie qui louvoie, soulage sa poitrine. Il suffit d’accepter de croire qu’il y a parfois de l’éternité dans un brin de vie éphémère. Or il faut bien que vieillesse énumère ce que l’âge nous force à tout instant. L’Hégire oublieux des visages trompeurs refait chaque jour contre nous sa force, spéculant sur le fol secret de nos anciennes larmes mouillant encore le signet d’un vieux grimoire. Peu soucieux de nous voir quérir les prodigues, il nous pare d’une vieillesse pesante mais attentive qui se résout à éclairer l’émiettement et croire à la trace de notre effacement. Un spectre courbé vers un Eupatoire nous hèle au milieu du marais. Nous ne savons s’il nous faut traverser le gué ou nous étendre de tout son long. Repliés sur nos profondes blessures, nous restons figés sans relever les yeux. Il faut bien que vieillesse nous pardonne d’en avoir parlé quand il fallait se taire. Nous cheminons dès la première aube dans la lumière encore creuse, oboles aux lèvres vers la haute brume, consumés de regrets, le regard tourné vers le bas à la façon d’un bétail qui bêle d’avoir été écartelé entre le vice et la vertu. La finitude est un long cri d’âme qui ne distingue point le réel de l’insidieux. Charon le nocher surgit des limbes sans poulie et sans tourelle, pousse dans la nuit aveugle sa barque le long du chenal, et le mot dans sa bouche restera à jamais fatal. Nulle brisure ne pourrait rebrousser le cours du Styx dira la chronique.

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