Le Baiser (1907-1908) est une sculpture emblématique qui marque un tournant dans l'histoire de l'art. Il continue d’inspirer et de questionner notre perception de la sculpture et de l’émotion.
Influencé par l’art primitif, les formes archaïques et la sculpture égyptienne antique, Constantin Brancusi venait de sa Roumanie natale à Paris en 1904 avec le projet et le désir de parfaire sa formation auprès des plus grands sculpteurs de l’époque. Il fréquenta l’atelier de Rodin durant trois années consécutives, mais dut le quitter en laissant cette apostille : « rien ne pousse à l’ombre des grands arbres ». Loin du maître, il travailla dur et l’histoire lui donna raison d’avoir emprunté un autre chemin qui le fit éloigner de la tradition académique occidentale. Il remit en cause la domination du « Beau idéal » qui s’imposait beaucoup plus que toute idée. Plutôt que de chercher un rendu naturaliste des corps, le sculpteur opta pour un style minimaliste qui le dédouana des représentations réalistes, le poussant à privilégier un rendu géométrique plus abstrait et épuré, explorant ainsi, l’essence de l’amour et de l’unité à travers une simplification radicale des formes. Selon certaines sources, il s'agirait d'une commande d’un ami du sculpteur pour la tombe d’une jeune femme russe qui s’était donné la mort par amour. Cette version funéraire du Baiser est installée au cimetière Montparnasse à Paris. Brancusi en donna plusieurs versions, représentant toujours deux figures enlacées dans une forme simplifiée et épurée.
Oeuvre d’une forme monolithique, elle est taillée directement dans un seul bloc de pierre.
On ne peut ne pas remarquer la simplicité des lignes qui sont à peine distincts avec des contours arrondis et des détails réduits au minimum. Le sculpteur exprime la fusion de deux bustes vus de profil, soudés l’un à l’autre. Les deux amants se rejoignent dans une symétrie parfaite, leurs yeux et bouches se confondant en une seule ligne continue. Deux figures en une seule entité. Un seul bloc de calcaire a suffi à faire éclore cette union où la femme et l’homme sont si rapprochés que le résultat définitif est presque bluffant, livrant toute la beauté qui émane de cette fusion totale.
Dans le Baiser, Brancusi ne chercha pas à capter un moment fugace mais une idée intemporelle du couple pour laquelle il avait choisi une esthétique d’une pureté formelle afin d’en exprimer l’idée d’un amour absolu, lui conférant par ailleurs une dimension sacrée, voire universelle.