Tout comme l'écriture dans d'autres cultures, l’écriture arabe a modifié et parfois éloigné certaines pratiques de la tradition orale, bien que l'oralité demeure une composante essentielle. Avant l’émergence de l'Islam, la culture arabe était largement orale. Le bouche à oreille primait, souvent dans un contexte de rassemblements tribaux où la poésie et les récits oraux avaient une place prépondérante. Avec l'Islam et la compilation du Coran, une forme d'écriture normée s’est rapidement imposée, notamment pour préserver les révélations considérées comme sacrées. Cette codification a exigé l'usage de l'écrit, mais l’oralité n’a pas disparu. Les récitations du Coran (tajwid) restent un aspect très important. Le développement de la calligraphie et des manuscrits a permis la diffusion plus large de la culture arabe. Cependant, ce passage à l'écrit a eu pour effet de rendre certains éléments de cette culture moins dépendants de la mémoire collective et de l’improvisation oratoire.
Avec l’écriture, les règles et les normes se sont progressivement imposées. De cause à effet, la grammaire qui était enseignée oralement et transmise de manière informelle, a été codifiée au fur et à mesure de la prolifération des textes écrits. Cela a créé un écart entre les formes d'expression orale, plus spontanées, et l’écriture, plus formelle et structurée. Les premières tentatives de transcription de récits et de traditions orales en écriture ont permis de préserver des éléments importants de la culture arabe, mais ont aussi éloigné certains récits de leur contexte oral vivant, où l’interprétation personnelle du narrateur jouait un rôle central.
Dans la littérature arabe contemporaine, même si l’écrit domine, la tradition orale reste présente. Par exemple, les poètes arabes, en particulier dans les pays du Maghreb et du Machrek, utilisent parfois des éléments de la tradition orale (comme les formes poétiques classiques) dans leurs œuvres écrites. Cependant, l'écriture moderne a changé la manière dont ces récits sont reçus. Les écrivains ne se contentent plus de la transmission orale et directe. L’écrit permet des réflexions plus profondes, une introspection plus personnelle et une organisation plus structurée des idées. De plus, la transmission de la culture se fait maintenant en grande partie par des livres, des journaux, et plus récemment des supports numériques, créant une distance par rapport à la performance orale.
Au Maroc, indépendamment de cette pratique scripturaire, il y a eu par le passé une pratique qui mérite une recherche approfondie. La documentation notariale fondée sur l’écrit sur bois occupait dans la société du Haut et de l’anti Atlas une place non négligeable. Le choix de ce matériau s’était imposé par son caractère de résistance au temps et aux intempéries, facile à trouver et à utiliser. Des bouts de bois (plats ou cylindriques) qu’on lissait et qu’on taillait pour les utiliser comme supports, écrits parfois dans un mélange de vocabulaire arabe et d’expressions en tachelhit. Les tribus conservaient soigneusement les archives de leur histoire dans des coffres avec d’autres objets importants du patrimoine familial. Parfois, ces bouts de bois étaient percés d’un côté en vue de les suspendre. Cette mémoire écrite (tawttaqt), chaque famille la possédait. Elle portait sur des informations concernant des actes notariaux, des consignations de délibérations judiciaires, des décisions d’assemblées de la tajmâat, de contrats privés, et de codifications des greniers (igudar) par les ayant-droit. Certains documents remontent à la fin du 15ème siècle dans le sud-ouest au moment où le papier se généralisait tout comme les pratiques du notariat musulman, une époque où des événements importants se sont déroulés et qui ont permis une mutation de la société.
L’écrit se trouvait ainsi mobilisé dans une logique de conservation couvrant des aspects essentiels de la vie des populations offrant par ricochet des informations précieuses sur l’histoire des communautés, sur leur langage, sur leurs habitudes, et sur leurs comportements politiques, juridiques et rituels. Ces écrits renseignaient particulièrement sur la façon dont le droit tribal était dispensé utilisant parfois une terminologie de le jurisprudence musulmane. Ils constituent des preuves (tifawin) que la personne ou la tribu pouvaient mobiliser pour défendre un droit de propriété par exemple ou le contester. L’importance de ces bouts de bois dans le fonctionnement des sociétés amazighs a su implanter des conditions favorables pour le maintien d’une culture lettrée. Les timzgidas remplissaient leur rôle parfaitement utile d’éducation fonctionnant comme un outil de maintien et de transmission d’un savoir socialement accepté, intégré au système de gestions communautaires sous le contrôle des assemblées locales.