Lorsque la mémoire revient aux chapelles verrouillées, il faut poser vivement un doigt sur la bouche et s’intimer le silence. Rue de Mirbel à jamais gravée dans nos mémoires. Elle m’a vu un matin au numéro un, sac à la gorge, prenant l’escalier jusqu’au 5ème étage, avec le besoin de reprendre racines pour une centaine d’années et veiller au trésor du sanctuaire pour un tas d’amis, fronts au vent, appréciant d’être entre ciel et terre, retrouvant leur intégrité et leur humanité dans un carré de chaleur humaine. Il est des matins, je me souviens comme si c’était hier, on se levait transis de froid. On se dressait avec le bonheur de laisser l’empreinte de nos pieds sur un sol délicieusement blanc, l’équilibre précaire souvent, mais les yeux rivés au ciel. Un souvenir de l’éternité où heureux nous parcourions les mêmes chemins qui nous ressemblaient. Momo arrachait au temps sa douce amertume. Il n’était pas de Lutèce, mais avait sa place dans la colonie. Il a creusé le bitume de ses mains d’homme pour un refuge parmi nous, il y insuffla le plus enivrant parfum du monde. Le pas le plus décisif est foncièrement le deuxième nous disait l’intrépide de la diaspora, le sans-papiers pour qui chaque pas était une aventure; chaque pas était une étreinte faite à l’immortalité. Il séparait le rêve de tout ce qui était tangible comme l’iris de la cornée. Il était une graine des dieux et pouvait germer entre ciel et terre. Puis un matin, il sentit monter en lui le souffle du grand nord. Il sauta le pas, quoique chaloupé, et pénétrait une autre vie, vertical comme une sagaie, coupant ici, mordant là-bas, continuant sa course, croisant dans sa route ses frères qui avaient choisi le même trajet, encrant leur présence, dressant au bord d’un lac de lumière une feuille blanche où renaîtra un autre monde.