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Karima Echcherki


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Le texte de Karima Echcherki, d’une expression libre, c’est-à-dire libérée des clichés qui ont formé jusqu’à présent presque exclusivement la littérature marocaine d’expression française, se veut un regard neutre sur une certaine marocaneité. Un regard qui ne juge pas mais qui scrute, jusque dans les méandres d’une mentalité donnée, jusqu’aux plus subtils ingrédients qui ont contribué à la formation de cette dernière. Le fait d’écrire, pour Karima Echcherki, est le fait de regarder, regarder avec la profondeur du scientifique et sentir avec la sensibilité de l’artiste, de l’écrivain. Écrivaine avec cette fibre à la fois scientifique et artistique, elle décrit les soubresauts d’une société tiraillée entre une réalité qu’elle voudrait éluder, sinon fuir ou biffer, et un rêve. Une foison de rêves qui sont en fait le constat le plus flagrant de l’échec d’un projet de société, société en continuelle gestation où les valeurs contradictoires cohabitent, pour ne pas dire se complètent, pour former ce tissu schizoïde, frauduleusement dit « société marocaine ». Nous sommes ici face à un texte où le descriptif et le narratif cèdent la place à la réécriture d’un mythe que nous pourrons nommer le mythe marocain. Un mythe qui intègre aussi bien édification qu’effondrement, tissu haillonneux de tensions, de désirs, de déceptions, de rêves autant que de phobies, à l’affût d’une certaine identité à jamais reportée à plus tard et à plus loin.
Phénomènes sociaux, religieux, culturels, phénomènes humains d’une population déchirée dans son fondement même, qui n’a jamais eu aucune assurance quant à son appartenance à une quelconque norme unificatrice. Des faits de société, de la structure sociale, du fait religieux, de l’économique, du vernaculaire, des rapports avec toute la conflictualité que renferme ce terme à la fois large et étroit, superficiel et vaseux, le Taxi terminus évolue au rythme des rencontres et des divorces ; il fait le point sur le fait social en tant que d’abord concernant la société marocaine, et le fait familial pour ne pas dire clanique, où les rapports se tissent et s’étiolent au rythme des rencontres et des déchirures. La famille, noyau de la société marocaine, se fait et se défait au rythme des aléas économiques. On tente de former un noyau social mais, au cours de sa formation, un événement extra-familial vient se mettre au travers de ce rouage pas assez solide pour soutenir l’édification de quoi que ce soit de durable.
L’écriture de Karima Echcherki s’inscrit donc dans cette dynamique pseudo-sociale où l’individu en tant que tel ne trouve pas sa place. La tentative de réhabilitation de la femme échoue dans ce sens ; dans une société aussi patriarcale et aussi phallique que la société marocaine, cette tentative échoue forcément, l’homme sensé en être le garant étant lui-même sujet, au lieu d’être le citoyen qu’il rêve de devenir peut-être un jour quand il sera socialement adulte.

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