Noureddine Bousfiha, professeur à l’Université de Marrakech, a déjà publié en 1980 un excellent recueil de poèmes "Safari au sud d’une mémoire" (Caractères, Paris) sur le temps assez, l’identité raturée, les « mille ans et quelque/que nous avons cessé d’être », bref, sur le malaise du regard sur soi en constatant la difficulté d’être purement et simplement, non dans le rêve mais dans la réalité. "Juste avant l’oubli", comme son titre l’indique, c’est aussi un livre sur la mémoire mais centré ici sur l’amour pour une louve. Son image est également présente dans les derniers recueils poétiques de Mohammed Dib: une louve insatiable dont on ne sait plus comment dire la fusion avec elle.
Le poète trouve ici les mots pour le dire: images délicates, ardentes et tendres évoquant la nudité et le frémissement, la chaleur et la flamme. La bien aimée est comme une
« Douve / sous un ciel où nul orage ne couve ».
La louve se fait ondoyante et ondulante comme « l’algue ». Le poète chante le flamboiement du nom et du corps, les pulsions et les foisonnements du brasier. Cette poésie trouve une érotique de l’écriture tout à fait adaptée au chant profond. De temps en temps, Noureddine Bousfiha aime s’amuser à multiplier les images rares: dyslalie, orphrys, phasme, éristale indiquant la quête du mot qui peut rendre le mieux l’évocation ou le fantasme.
« Il faut avoir vécu entre ses lianes
Pour attacher à la parabole de Diane
Un sens précis ».
il s’agit bien, en effet, d’un poème vécu, autrement le poète ne parlerait pas de l’amour en ces termes. C’est bien d’ailleurs là que la poésie est irremplaçable car elle n’est pas là pour décrire, raconter, expliquer mais évoquer, signifier un univers, une expérience portées intimement par le poète. Celui-ci ne peut que communier, par le foisonnement d’images et de symboles, ce qu’il a vécu: juste avant l’oubli, avant que la mémoire ne retienne d’autres expériences, d’autres amours.
« Il faut avoir vécu », écrit Noureddine Bousfiha. La souffrance surgit ensuite dans la tension entre la tension entre la pente vers l’oubli et une mémoire marquée par une encontre ineffable.
Noureddine Bousfiha, Juste avant l'oubli. Dessins de Mechtilt, Paris, Éditions Caractères, 1980.