"Safari au sud d’une mémoire" n’est pas une aventure dans l’Afrique des mercenaires du tourisme prêt-à-porter mais le cri violent et beau d’une jeune poète marocain.
Né voilà une trentaine d’années dans la trouée de Taza, creuset témoin de toutes les occupations que connut le Maghreb, Noureddine Bousfiha est aussi peintre. Et c’est en peintre qu’il explore les territoires reculés de la mémoire pour faire parler la pierre de l’absence sur laquelle est gravée l’histoire d’un peuple exclu et meurtri. La voix de N. Bousfiha est d’une nouveauté salutaire qui ne manquera pas de faire longtemps parler d’elle tant elle revigore la jeune poésie marocaine. Elle est la médiane entre ces deux grands poètes, diamétralement opposés, que sont Eaghloul Morsy et Mohammed Khaïr-Eddine, c’est-à-dire qu’elle allie, dans une parfaire harmonie, la violence à la sérénité. Et cela produit des moments surprenants, privilégiés. Elle est un chant capital pour qui sait la valeur d’Agadir dans la symbolique marocaine:
« J’ai suspendu ma lyre
Pour méditer à tes côtés Agadir. »
La poésie de N. Bousfiha s’inscrit dans Jun constant va et vient entre deux pôles. Elle explose par moment sur le papier blanc. Ne se suffisant pas du livre qui lui sert de support, elle s’échappe, à notre bonheur, de la prison des mots. D’autres fois, mais sans cesser d’être en rébellion vis-à-vis de la langue, le verbe s’insinue dans les choses, pénètre les objets au lieu de se mettre en travers d’eux. La poésie devient alors toute intérieure. Le poète se parle:
« J’ai cru un instant renaître
ma nuit mourante sur les bras
Je marchais en pensant à haute voix
-qui désormais de nous reconnaîtrait
l’aurore et ses lumières. »
À l’écoute de son temps, Safari au sud d’une mémoire est preuve supplémentaire de la vivacité de la poésie marocaine toutes expressions confondues.
Il faut, par ailleurs, rendre hommage à Bruno Durocher qui, depuis plusieurs années, se bat, en solitaire, pour que vive l’art en lequel il a foi: la poésie. Dans sa petite maison des Éditions Caractères située dans la rue de l’’Arbalète, il publie des poètes de tous les pays. Ra appelons qu’il a publié le grec Elytis à une époque ù quelques initiés seulement avaient entendu parler de ce poète, Prix Nobel 1978.