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Métamorphoses de l'image dans la peinture naïve marocaine


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MÉTAMORPHOSES DE L’IMAGE DANS LA PEINTURE NAÏVE MAROCAINE.

Le paysage dans la peinture naïve marocaine concerne les éléments naturalistes, introduits dans un décor parfois peu conforme à la nature qui y est, le plus souvent, dépeinte avec simplicité. Les naïfs s'immergent dans cette nature afin d'en restituer les altérations lumineuses. Ce traitement offre des pistes à explorer sur un thème suffisamment ouvert afin que chacun puisse l’investir librement. Il s’agira seulement ici d’ébaucher dans un premier temps, avec de gros traits, plusieurs éléments que devrait prendre en charge un tel projet, autrement dit d’en formuler quelques prolégomènes à partir d’observations très générales.
Partant du fait que la représentation figurative est interdite en Islam, la culture marocaine a cherché son expression plutôt dans la variété de ses motifs géométriques, présents dans la céramique et le tapis, voire dans le tatouage. C’est donc à travers les toiles de peintres européens, comme Delacroix, le baron Taylor, David Roberts, John Frederick Lewis, José María Escacena y Daza, Jean-François Portaels, Frank Buchser, Matisse et bien d’autres que le Maroc a d’abord été révélé au monde. Ces peintres ont été relayés par la littérature coloniale, la carte postale et l’art naïf. Révélé autour des années 40, l’art naïf se détache par ses procédés et son langage propre. Il regroupe des personnes d’origine modeste, sans formation artistique, ignorant les contraintes et les règles académiques. Ces artistes ont inventé un univers déroutant s’inspirant de sujets populaires, utilisant des techniques traditionnelles. On y trouve beaucoup de maladresses dans la représentation de l’espace en tant que tel. On leur reproche un répertoire répétitif, un univers en décalage avec la modernité. Il ne s’agira pas ici de détailler le long processus d’émergence de ce courant ; il sera plutôt question de signaler son évolution et ses métamorphoses. Cette évolution ne peut être décrite comme une simple mutation sociologique. S’il y a mutation, ce n’est pas seulement au niveau de l’histoire du goût. Les conditions dans lesquelles l’art naïf pouvait grandir sont de ce fait complètement détruites, subissant aujourd’hui, encore plus qu’hier, les dérives mercantiles et la loi des galeries. L’âge d’or de l’art naïf est derrière nous. Qu’en est-il en réalité ? Albert Dasnois n’avait pas tort de dire naguère que « le déclin (de l’art naïf) a commencé du jour où nous nous sommes piqués de rendre justice à ces humbles ». On pourrait estimer que la relève fait dans une surenchère dans la quête d’une représentation différenciée. Nous essayerons de baliser les marges de cet art et sa valorisation.
Vers les années 40, l’art pictural marocain a pris véritablement naissance avec l’apparition d’un art qu’on a qualifié très vite de naïf. Il n’y a qu’à voir, par exemple, les toiles du peintre R’bati ou beaucoup plus tard, Chaïbia qui se défendait d’être classée « naïve ».
A partir des années 1950, de nombreux artistes autodidactes, comme Mohamed Ben Allal et Ahmed Louardighi, vont explorer différemment des thématiques chargées de symboles liés au bonheur et au monde idéal, avec une technique de peinture assez simple (car ne maîtrisant pas le champ des perspectives et les représentations de personnages) et avec des couleurs très généreuses. Ces deux artistes, bien qu'autodidactes, réalisent des œuvres de très grande qualité esthétique ; le premier sous l'influence de son employeur Jaques Azéma, le second avec les encouragements de professionnels de l'art qui ont su lui donner sa chance en lui mettant le pied à l’étrier. Parallèlement, des artistes comme Moulay Ali Alaoui, Mohamed Naciri, Said Ait Youssef traiteront de thèmes plus variés, représentant les villes, les Moussems, les écoles coraniques et autres sujets de la vie quotidienne, sans rivaliser avec le talent des premiers.
A partir des années 60, la peinture naïve au Maroc, connaît un nouvel élan, subissant l’influence d’une grande artiste comme Chaïbia Tallal inaugure l’art brut en révélant une certaine tradition orale, ouvrant ainsi une nouvelle voie dont les héritières seront Fatima Hassan et Fatna Gbouri. Le Maroc peut se vanter de posséder une école de peintres naïfs, non pas dans le sens académique, mais sous la forme d'une riche et longue succession d'artistes autodidactes, beaucoup d'entre eux étant à la fois des campagnards illettrés, et les héritiers authentiques de Mohamed Ben Ali R'bati, de Moulay Ahmed Drissi, de Saïd Youssef, de Mohamed Lagzouli et de Mohamed Ben Allal, de Hamri qui connut Paul Bowles et fraya avec Brion Gysin.
Naïfs, primitifs, autodidactes, peintres spontanés et autres appellations désignent ces artistes venus à la peinture au beau milieu du siècle dernier ou juste un peu avant. Ils sont souvent analphabètes, illettrés, généralement écartés de toute école plastique depuis qu’au Maroc se distinguent deux courants : celui de l’École de Tétouan et celui de l’École des Beaux-Arts de Casablanca. Bergers, jardiniers, cuisiniers, garçons de café, coiffeurs, gardiens, ouvriers ou artisans, ces petites gens, poussés par le démon de l’art sont venus à la peinture, comme on viendrait au monde, en poussant ses premiers vagissements, titubant, puis marchant, en regardant autour d’eux pour découvrir et s’étonner. Ces peintres se placent loin de tout idéal philosophique ou de toute quête métaphysique. Naïfs, ils ont continué, avec leurs expressions propres une tradition artisanale, à la fois folklorique et poétique : tradition née d’obsessions inconscientes à des verts paradis des amours enfantines, nées des profondeurs affectives, sentimentales et religieuses. Ces représentants de la culture populaire, à la fois « poètes » et chroniqueurs d’un temps dont ils pressentaient la dérive. Chantres de l’imagerie populaire, ils ont pu reproduire les scènes de la simple nature, et de la vie sociale qui les entoure en les peignant telles que le regard les perçoit, et le cœur les ressent. Ils ont peint le monde où ils se sentaient partie intégrante, fixant à jamais des scènes de leur univers familier. Leur souci était de reproduire ce qu'ils croyaient être l'affirmation du réel, traduisant un désir inconscient d'arracher à l'oubli les choses et les êtres en exprimant un attachement profond à la culture ancestrale : fêtes, mariages, scènes de la vie quotidienne. Chacun a tenté de traduire un vécu avec amour et authenticité. Ben Allal, Lourdiri, Naciri, Hamri, Fatima Hassan, Gbouri, et Regraguia par exemple privilégient la couleur qui reste pour eux essentielle, aux dépens du trait et du dessin. Leurs sujets dénotent une certaine originalité, celle-là même qui reste affaire de texture et de composition, sauf chez My Ahmed Drissi dont certaines œuvres classées comme étant naïves en appellent à une approche plutôt symbolique.
Profondément ancrée dans la tradition, la peinture naïve exprime surtout une sensibilité nostalgique, une sorte d’évasion dans un imaginaire traditionnel qui prend les couleurs tendres du souvenir. S’y dévoile parfois un souci de narration sur le mode de la fresque ; c’est une peinture de lieux et de personnages perpétuant des habitudes figées ; elle introduit volontiers des notes florales en adéquation avec les autres motifs. Le peintre naïf n’intellectualise pas son travail qu’il considère comme un don du ciel et qui ressemble pour lui à un rêve d’enfant empreint de joie et de sérénité, une manière de rêve éveillé, figuré souvent de manière minutieuse et frappante.
1/ Le Paysage comme source d’inspiration
La nature a toujours été et continue d’être une inépuisable source d’inspiration pour les artistes. Elle est le moteur et le motif de maintes créations qui ont bouleversé le cours de l’histoire de l’art. Les artistes travaillent d’après nature, mais aussi sur la nature, dans la nature et avec la nature qui ne cesse de leur offrir l’infinie diversité de ses aspects et la richesse de ses matériaux. Leurs approches peuvent être mimétiques, narratives, métaphoriques, symboliques, décoratives ou strictement physiques. Au Maroc, nombreux sont les artistes qui traitent de la nature et du paysage dans leurs œuvres. L’on sait que l’œuvre d’art en tant qu’objet autonome est arrivée au Maroc avec les peintres orientalistes. Or, ces derniers étaient, outre les scènes de la vie quotidienne, fascinés par le spectacle des sites naturels du pays où ils venaient planter leurs chevalets pour peindre sur le motif la beauté de sa lumière, la variété de la flore et la richesse de ses matières minérales. Du nord au sud, d’est en ouest, les Orientalistes ont parcouru le Maroc pour tenter de saisir ses plaines verdoyantes, ses montagnes fertiles et arides et ses déserts immenses et mouvants. Des études seraient intéressantes à faire sur ce sujet : historique, typologique, esthétique… Sans aucun doute, nous y apprendrions beaucoup sur les changements de la nature dans notre pays et sur la diversité des regards portés sur elle à travers l’histoire.
Avec l’apparition de l’artiste marocain et son développement, la nature n’a jamais quitté la création artistique. Et aujourd’hui, les artistes contemporains, chacun à sa façon, poursuivent l’exploration artistique de la nature. Il en résulte des œuvres aussi intéressantes les unes que les autres et qui méritent de montrer la vision qu’ont les artistes de cette nature même.Entre l’artiste naïf et la nature, il y a essentiellement un mode de relations, un rapport privilégié qu’il entretient avec la nature. Essayons d’en faire un relevé !
- La nature peut être une référence et une source d’inspiration pour produire des œuvres d’art qui représentent des paysages aux visions sublimées, évitant par ricochet tout exotisme, tout onirisme complaisant, donnés dans une facture où la couleur et l’harmonie traduisent la tendresse le labeur, les occupations quotidiennes et les rituels de la vie sociale.
- La nature peut être aussi envisagée en tant que fournisseur de matériaux et outils pour la création artistique. L’artiste n’a plus recours à d’autres moyens plastiques pour représenter ou interpréter sa vision de la nature, mais lui emprunte directement ses moyens plastiques pour les présenter en tant que tels dans des lieux de production et de diffusion d’art.
- La nature, enfin, peut être considérée comme un terrain d’investigation et d’inscription artistique in situ. Dans ce cas, les artistes abandonnent les moyens habituels de la pratique artistique et les lieux conventionnels de production et de diffusion de l’art, pour se rendre directement dans la nature. Naturellement, les artistes naïfs n’échappent pas à ces trois modalités du rapport qu’entretiennent l’art et la nature. Ces derniers présentent une multiplicité de regards créateurs, voir comment chacun des artistes s’approprie la nature et y invente son propre paysage en construisant un langage plastique qui lui est singulier… À travers dessins, peintures, photographies, nous pourrons apprécier la fertilité des propositions artistiques qui explorent notre environnement naturel dans la richesse de ces aspects : montagnes, plaines, mers, déserts, minéraux, végétaux…
2/ La prise en charge du paysage dans la peinture naïve marocaine.
A/ Chez les devanciers
Dans la peinture naïve marocaine, le paysage est l’une des principales formes d’art. Son histoire est quelque peu complexe. D’abord le style a dérouté plus d’un. Il apparaissait pour la plupart des puristes, primitif, déconcertant, voire même dégradant. Ce n’était pas le jeu de la simple fantaisie qui a conduit la main de l’artiste. La question d’ailleurs est plus qu’à l’ordre du jour. Chaque fois que l’on croit cette controverse épuisée, elle rebondit, du reste souvent sans arguments nouveaux. L’acharnement avec lequel les partisans ou adversaires défendent leur thèse suffit. Face au dilemme très simple : art académique ou art naïf, réalité ou plastique, tout le monde a plus ou moins été obligé de prendre parti. Dans les années 70, l’engouement pour la peinture naïve n’est certainement pas étranger à un phénomène de fond que l’on aurait tort de réduire à une simple revendication : la redécouverte de la culture populaire. La prise en charge de celle-ci dans la revue emblématique « Souffles » témoigne de l’intérêt grandissant pour ce domaine qu’il faudrait relier à un état des attentes, des inquiétudes et des aspirations sociales. L’art naïf s’affirma comme un genre artistique autonome. Il gagna ses lettres de noblesse. La libération de la couleur, la légèreté du trait, conduira des peintres autodidactes à faire du paysage le miroir subjectif d'un état mental ou psychologique. Les passages d’un règne à l’autre (minéral, végétal, animal) relèvent de la métaphore ou de l’analogie. Un grand nombre d’œuvres s’est inspiré de la vie quotidienne, dans une perspective qui laisse entrevoir l’une des peurs les plus archaïques, celle de la perte de repères qui sont le substratum de la culture populaire. Le problème se situe dans la position de l’artiste devant la nature dont l’aspect est à la fois poétique, musical, plastique. Cette mise au point est importante, car on a pris parfois l’habitude de parler de peinture naïve toutes les fois que, dans une œuvre, la part de création de l’artiste s’est établie au détriment de la fidélité au modèle. Mais le mérite des « naïfs » est de nous avoir appris à donner à des formes sans signification réaliste la même importance, le même pouvoir d’émotion qu’à une peinture figurative en pleine possession de ses moyens plastiques. R’Bati, Ben Allal, Aït Youssef, Ouadghiri et Chabia nous ont enseigné, chacun selon son style propre, à reculer les limites du « décoratif ». Expérience entre les autres, dira-t-on, et de fait, en toute modestie, ils ont toujours présenté leurs peintures comme le terme d’une expérience, de celles qui témoignent à la fois, pour parler comme André Malraux, « de l’indépendance de l’esprit créateur par rapport à l’histoire ». En vérité, plus on y réfléchit, plus les naïfs revêtent d’importance d’avoir réussi sans l’avoir voulu, une expérience au sens le plus précis de ce terme. C’est pourquoi l’héritage vivant des naïfs, ce n’est pas un style à imiter, c’est cette capacité à vivre le spirituel dans le matériel, à ressentir dans la nature comme dans l’art, l’esprit des choses, et par la voie de l’expérience intérieure, laisser tomber les apparences extérieures pour aller droit à l’essentiel. Traduire l’esprit des choses est traduire ce qui est enfoui. L’œuvre naïve est donc à la fois l’expression de ce qui est contenu dans les choses, et l’expression aussi du monde intérieur que porte en soi l’artiste qui ne pouvait rester insensible à ce qui se passe autour de lui. Il ne pouvait, sous le prétexte de réalisme se contenter de copier fidèlement les choses et les êtres. Transposer les aspects de la vie, interpréter ; voilà ce qu’il savait et entendait faire. Il n’était pas prétentieux jusqu’à vouloir copier exactement les apparences. La magie de Naciri c’est d’avoir réactualiser tout un ensemble de métaphores, de symboles et des mythes qui se sont cristallisés autour de l’élément naturel qu’il puise dans son sud natal.
En tout état de cause, la peinture tient lieu, depuis si longtemps, de mémoire où l’artiste peut se remémorer les scènes d'antan, restituer les paysages, les gens, les impressions de son enfance, évoquer les souks, les moussems, les lieux où se rencontrent les gens du village, où s'échangent en apartés paroles et sourires. Peinture donc de pure mémoire, qui fait resurgir du passé certains lieux, certains personnages ; les paysages rêveurs sont autant de visions d'un réel évanoui. Monde étrangement habité que celui de ces routes, de ces chemins, de ces rivières parfois bordées d'arbres, qui ne mènent nulle part : ils sont là, et c'est assez, dans le flamboiement rouge de l'automne.
B/ Chez les contemporains.
L’usage de l’image pour représenter la diversité de la nature a beaucoup évolué. Elle se présente de manière très variée selon la sensibilité et le caractère de l’artiste qui montre tout un intérêt pour le monde où il vit. Entreprendre le traitement du paysage et ses métamorphoses dans la peinture naïve marocaine actuelle ne saurait faire l’économie d’une prise en compte, nécessairement complexe, du développement qu’a connu la notion même de paysage, traité dans la dimension subjective de l’espace, « perçu », « vécu » et non pas simplement donné ou aménagé par les nouvelles générations. Pour celles-ci, le paysage reste le moyen de rendre compte des actions éphémères. Il est à considérer comme un palimpseste, une surface sensible à toutes sortes d’inscriptions, de marques, de traces, de gestes usuels, de signes simplifiés du présent qui s’insèrent pour donner une vision du monde. Il est devenu un répertoire d’archéologie, lui qui au départ était paysage idéal, paradis pour accueillir le fidèle après la finitude. Aujourd’hui, force est de constater qu’on est passé de l’impression à l’observation d’un réel évanoui, étrangement habité.
Cette métamorphose concerne des tableaux dans lesquels le rapport d’échelle entre les personnages et le décor naturel dans lequel ils évoluent tend, à privilégier largement l’image de l’agitation des hommes dans les villes au détriment de la nature. Cette nature, parfois absente, émerge du minéral, témoigne d’une vie trépidante, urbaine à souhait. Certaines œuvres abordent la nature sous l’angle de sa matérialité, de son cycle et de sa puissance. Et c’est en cela justement qu’elles offrent aux créateurs une source de renouvellement inestimable.
Dans la découverte du patrimoine des arts et traditions populaires, on reprend des chemins anciens, asphaltés si besoin, et au bout du chemin on est saisi par le changement d’un mode de vie : les ponts se multiplient, les portes disparaissent, comme chez le jeune artiste Nawfal qui vit et travaille dans la médina de Marrakech.
Les artistes
Mohamed Ben Ali R’Bati (1831-1939)
Bien qu'ayant signé l'acte de naissance de la peinture marocaine, Mohamed Ben Ali R'bati sans doute par ignorance ou méprise, fut longtemps voué aux oubliettes. Il aura fallu attendre 2000 pour qu'un ouvrage de Abderrahman Slaoui exhume sa vie et son œuvre. Ce nouveau personnage, qui va s'affirmer au cours des années 20 et 30, est très différent de l'artisan traditionnel, même s'il en garde la mémoire plastique ou iconographique et un savoir-faire lié notamment aux techniques de la miniature, des enluminures et de la décoration murale. Cuisinier, il fut engagé, en 1903, par Sir John Lavery, portraitiste de la Couronne d'Angleterre. L'employeur s'engoua des œuvres de son employé et le fit entendre. Son œuvre se présente sous forme de chronique de la vie tangéroise au début du XXe siècle. Elle se présente sous forme de portraits de la cité tangéroise, croqués dans l'esprit des enluminures persanes et arabes. Une œuvre de la meilleure eau, qui forme aussi un précieux documentaire sur les us et les coutumes d'une époque révolue, mais obstinément présente. R'bati se démarque des «naïfs» par son souci de la composition et le réalisme de ses représentations. «Il y a dans ses travaux, une réelle tentative de représenter la troisième dimension en suggérant la profondeur de l'espace». En ce sens, il est un peintre figuratif, n'en déplaise aux sceptiques.
Mohamed BEN ALLAL (Marrakech / 1928-1995)
Ben Allal commence à peindre dès l'âge de 16 ans, encouragé par le peintre Jacques Azéma. Quelques années plus tard, celui-ci expose les tableaux de Ben Allal, en même temps que les siens, dans une galerie à Jamaa El Fna. Lors d'une exposition au palais de la Mamounia à Rabat, un amateur américain lui achète une trentaine de tableaux et les expose avec succès à Washington. Plusieurs de ses œuvres figurent dans de nombreuses collections privées au Maroc, en Tunisie, en France et aux Etats-Unis. Parler d'une "école naïve" de la peinture serait l'ultime paradoxe car, de par sa nature même, ce qui pourrait être nommé avec plus de justesse "primitive moderne" ne peut être enseigné, et moins encore dans l'atmosphère esthétiquement corrompue des écoles d'art. En ces lieux, la vénération des faux dieux de la perspective et du réalisme, de l'abstraction et du cubisme, rigoureusement inculquée à chaque génération d'artistes émergents, étoufferait l'innocent génie d'un vrai artiste naïf.
` LAGZOULI (1937)
Quarante années passées à son chevalet, les pinceaux à la main, n'ont pas entamé la détermination de Lagzouli. De l'enthousiasme des années d'apprentissage jusqu'à l'affirmation d'une maturité picturale, Lagzouli a construit son oeuvre patiemment. Père d'une nombreuse famille, tour à tour brocanteur, coiffeur, cafetier et peintre de surcroît, acteur à part entière de la médina de Salé, quel autre médiateur aurait pu nous rendre ces visions sublimées en évitant tout exotisme racoleur, tout onirisme complaisant et sans plus d'ironie qu'il n'en faut. A l'école de cette vie qui pour lui fut sans pitié, il a trouvé les protagonistes et leurs gestes, les visages et leurs expressions, les couleurs et leurs harmonies, pour dire avec tendresse le labeur, les occupations quotidiennes, les rituels de la vie sociale.
Ahmed LOUARDIRI (Salé 1928-1974)
Il devient jardinier après avoir reçu une instruction sommaire à l'école coranique. Vivant modestement de son métier, il peint pour son plaisir. Grâce à ses dons artistiques, il est engagé comme maquettiste au Service de l'Urbanisme à Rabat. Louardiri ne renie rien de son passé de jardinier, mais au contraire, le transcende à travers ses œuvres, dans une féérie de plantes et de fleurs qui transporte le spectateur vers un monde enchanté. Influencé par les contes populaires, il composera des tableaux et fresques aux mille détails, où l'œil se perd dans la richesse des décors. A. Louardiri fut incontestablement le peintre naïf le plus connu au Maroc comme à l'étranger.
“ Lorsqu’on regarde un tableau de Lagzouli, l’œil virevolte d’un point à l’autre et se fixe tour à tour sur des objets étrangement assemblés, des person-nages aux traits déformés, aux attitudes ex- acerbées, et une distanciation affichée, créatrice d’humour qui marque le sceau du peintre. Les yeux et la bouche s’étirent, les bras se tendent pour atteindre un de ces objets qui peuplent l’univers quotidien décrit. On décelait déjà dans les premières œuvres du peintre, ce même regard ironique porté sur les hommes, mais tandis que qu’auparavant la surface peinte était orchestrée par la variation des taches colorées, c’est aujourd’hui le groupe, la scène qui dictent la composition. Conteur malicieux, Lagzouli présente des scènes de la vie rustique, de la rue ou du monde des cafés. Les figures qui se détachent sur le fond aux tonalités fluides, renferment une puissance onirique étonnante et l’on comprend pourquoi on a parlé à propos de ses œuvres de “ surréalisme naïf “.
Mohamed NACIRI (1943)
Enfant du Sud, Naciri porte en lui une nostalgie vivace des paysages de son enfance. Inlassablement, il s'attache à traduire l'architecture des petits villages de sa région natale. La douceur et le raffinement de la couleur sont ici remarquables. Ces murs et ces remparts semblent cacher un royaume enchanté où l'on a rêvé, enfant, de pénétrer. Chaque tableau nous fait saisir dans l'immédiat la vérité du monde reconstruit par Naciri, son intention magique de préserver les moindres gestes de la vie quotidienne. Nawfal vit et travaille dans la médina. Autodidacte, ce peintre naïf peint depuis 2001 et réalise sa première exposition à Tamesloht en 2003.
FATNA GBOURI (1924)
Le style de Fatna Gboury est pur, brut, spontané. Son caractère ingénu, son emploi des couleurs vives et de la perspective n'est pas sans rappeler les œuvres de Douanier Rousseau, figure emblématique de l'art naïf". Autodidacte affranchie de toute pratique académique, elle s'est frayé son chemin toute seule. A force de persévérer, elle a réussi, au fil du temps, à affiner son style en retraçant ses souvenirs d'enfance et sa vie à la campagne, à Tnine Gharbia dans la province de Safi.
Rahma Laroussi ne cesse de peindre, depuis l'enfance. Elle n'a pas eu à passer par l'école pour apprendre son art : depuis toujours déjà elle le pratiquait. Art brut ? Non pas : auto-apprentissage, au long d'une vie. Art naïf ? Pas plus : cette peinture relève davantage de l'impression, que de l'observation.
Quelques-uns seulement connaissent son travail. F. Laroussi peint mieux qu'elle ne discourt ; et quand elle a bien peint, elle range ses toiles et ses papiers, dans un placard, sous son lit, qu'importe ? Ses dessins, ses motifs, ses personnages, ses paysages parlent. Et pourquoi faudrait-il écrire ?
Benhila Regraguia (1940/2009)
Artiste peintre de grande renommée, est décédée lundi 9 novembre 2009 à Douar Lamsasa dans la commune rurale de Lahrarta (Province d’Essaouira), à l’âge de 70 ans.
Saïd Aît Youssef (1920-1986)
Né en 1920 dans la vallée des Aït Bougmez, dans le Haut Atlas. Il meurt à Agadir en 1986. Aït Youssef est berger jusqu’à l’âge de 18 ans puis militaire dans l’armée française. En 1947, il est envoyé en Indochine où il est fait prisonnier. Il rentre au Maroc en 1951 et travaille comme portier dans un hôpital à Marrakech. Il commence à peindre en autodidacte. Farid Belkahia et Jacques Azéma le découvrent et le font participer à une exposition collective. Sa première exposition personnelle a lieu en 1959 à Marrakech. Aït Youssef reproduit sur ses toiles des souvenirs d’enfance, des paysages qui l’ont marqué, des scènes populaires (fêtes, mariages, fantasias) dans des couleurs claires. Sa vallée d’origine lui fournit la matière de son inspiration. Ses toiles reproduisent une atmosphère champêtre paisible et simple, empreinte de nostalgie.
Son travail est présent dans la collection du musée d’art brut, Fondation Jean Dubuffet, à Paris et du musée de Laval en France.
Moulay Ali Alaoui (1924-2001)
L'artiste-peintre Moulay Ismail Alaoui El Fatihi meurt à Marrakech, des suites d'un malaise de santé à l'âge de 70 ans. Connu pour son parcours artistique distingué, le regretté plasticien, qui a encadré des générations d'artistes à la Maison des jeunes à Arsat Al Hamed dans la cité ocre, compte parmi les pionniers et fondateurs des arts plastiques au Maroc.
Les toiles du défunt, qui ont acquis une renommée internationale et sont exposées dans de nombreuses galeries, mêlent la calligraphie arabe, la nature et le surréalisme, outre d'autres œuvres picturales non dévoilées qui ont été vendues à des étrangers.Les tableaux de Feu El Fatihi, qui était très discret puisqu'il n'était pas trop présent lors des expositions aussi bien au Maroc qu'à l'étranger, représentaient les paysages naturels et la réalité du Maroc en général, et ceux de Marrakech en particulier.
Fatima Hassan EL FAROUJ (1945)
Née en 1945 à Tétouan, Fatima Hassan El Farrouj est une artiste autodidacte.Sa première exposition remonte à 1965, au Salon des artistes indépendants à Casablanca.Elle vit et travaille à Rabat.Fatima Hassan a souvent été classée dans la catégorie de l’art «naïf». Ses oeuvres reflètent le quotidien de la femme marocaine d’une certaine époque, celle vécue par l’artiste dans sa première jeunesse, dans un milieu populaire.
Depuis les années 1960, Fatima Hassan ne cesse d’élaborer une oeuvre qui lui est propre, tant par son style que par ses thématiques. Fascinée par le travail des peintres qu’elle découvre avec son mari, Fatima Hassan El Farrouj ne tarde pas à explorer cette nouvelle matière d’expression si différente des matériaux qu’elle utilisait auparavant dans la broderie, la couture et le tatouage au henné. Ainsi affranchie de la servitude des modèles qu’impose l’artisanat, elle va à la rencontre de son imaginaire propre, le conjugue dans l’espace de la toile et y livre une expérience plastique : il s’agit en effet de «compositions qui se mettent en constructions, personnage par personnage, motif par motif, couleur par couleur, des superpositions calculées et des stratifications abondantes».
L’univers de l’artiste si réel et pourtant si merveilleux est un monde personnalisé, regorgeant des couleurs simples et des charges enchevêtrées, il se laisse décrire jusqu’á I’essoufflement. Le tracé fluide et en courbe, la saturation de l’espace et l’importance accordée au détail, offrent à la scène un souffle presque musical dû à la répétition des motifs.
Mohamed HAMRI (1932)
Né en 1932 à Joujouka (province de Tanger), Mohamed Hamri s’installe à Tanger après la seconde guerre mondiale et fréquente le milieu anglo-saxon principalement l’écrivain Paul Bowles (1910/1999) et Brion Gysin (1916/1986) dont il devient le protégé et l’associé. Il sera le chef et le co-patron du restaurant de Gysin 1001 nuits. Hamri, avant sa première exposition individuelle à Tanger en 1948 (c’est une des premières expositions personnelles d’un peintre marocain au Maroc), a été un peintre de fresques murales pour «cafés maures» de l’époque coloniale. Les expositions vont se succéder au Maroc, en Tunisie, en Europe. En 1974, il dicte et illustre un livre de contes folkloriques Contes de Joujouka1.

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