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Faut-il avoir des raisons pour écrire?


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Faut-il avoir des raisons pour écrire?

Écrire est l’instrument d’une quête qui abouche vers la connaissance. On écrit pour mieux respirer, pour ravaler la réalité, dominer les angoisses, briser le silence, contrôler tant soit peu la rébellion. L’acte d’écrire peut aussi être une dissidence : « écrire s’exclure » disait René char. Apprécions l’ellipse ! S’exclure de quoi ? du rien, du néant, du leurre, de l’inconfort, de la réalité, de « la vie qui pue » selon l’expression consacrée d’Artaud. Écrire et gérer les doutes, les trous, les arrêts, l’incapacité à formuler l’inexprimable ou le trop plein d’images. Écrire l’indicible, le non-dit, le non-conforme, le non-sens. Écrire pour libérer l’esprit et « mettre à mal la raison » (Prévert). Blanchot, du reste assène : « écrire est évidemment sans importance ». Cette assertion se prête à la belle accroche. Elle s’accompagne d’une autre qui a valeur de programme : « Il faut surtout écrire dans l’incertitude et la nécessité », conclue Blanchot. L’acte d’écrire n’est pas gratuit. Il est quête, aventure vers quelque chose d’absolu. Écrire c’est d’être au monde, c’est saisir, sans le défaire, le paroxysme de l’instant. La création poétique est un pur acte subversif. Les poètes ne sont pas en odeur de sainteté en Islam. Ils n’ont pas de légitimité. Prise en grippe, la poésie en général reçoit son lot d’objurgations, sacrement mise au pilori. Si elle emmerde royalement certains, elle peut susciter l’appréhension, l’approbation quand ce n’est pas de l’indifférence tout bassement. N’est-elle pas sans hésitations occultée par les maisons d’éditions sous prétexte qu’elle n’intéresse pas, qu’elle ne se vend pas, et par conséquent condamnée de rester orpheline de lecteurs. Dans ces paroisses, on se tient au pouvoir que s’arroge le roman dans son désir de représenter toutes les valeurs et les accaparer. La poésie ne plie pas pour autant. Elle reste parole de clameur, de bataille, de guerre. Elle a le mérite de rester un questionnement de l’être et de l’univers. Elle requiert même d’être vécue pour elle-même comme une ascèse. Et si elle brise le silence pour exprimer des états d’âme, c’est pour communiquer, transmettre, communier. Dans cette effervescence aux pôles vibratoires, on peut s’y abimer lors de la mise à mort de la vérité. Et on ne peut le faire dans une autre forme de langage pour se venger des topoi dont la poésie a été refoulée, charriant le flou qui émousse, sans abdiquer, sans renoncer au haut langage sien. Elle promène sa blancheur lisse où l’initié peut déchiffrer des sillons enfouis. Dans ses effacements, dans ses aspirations vers une totale liberté, elle tend à faire sortir les êtres d’eux-mêmes et les éveiller à jamais du réel. Elle organise peut-être de ce fait la seule survie possible. En cela, l’écriture est généreusement un acte de foi. Poète… vos papiers (Ferré). Révélez ce que vous avez à l’intérieur : cette couche épaisse qui a besoin de lumière ! faites-le avec une modération incarnée.

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